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Le conseil constitutionnel commente sa decision en santé au travail : une surprise… et toujours un espoir ?

By 7 décembre 2021 No Comments

Le Conseil constitutionnel vient de publier le commentaire de sa décision du 23 septembre dernier (n°2021-931 QPC) aux termes de laquelle il a jugé que le texte de l’article L. 4622-6, alinéa 2, du code du travail, tel qu’interprété par la Cour de cassation dans son arrêt du 19 septembre 2018, est conforme à la Constitution.

Le Conseil avait jugé dans sa décision de septembre dernier que, dès lors que les dispositions de l’article L. 4622-6, alinéa 2, du code du travail « soumettent tous les employeurs à la même règle de calcul des effectifs […] ce faisant, elles n’instituent, par elle[s]-même[s], aucune différence entre les employeurs ».

Dans son commentaire récemment paru le Conseil revient, avec beaucoup de didactisme, sur l’explicitation de son refus de reconnaître une atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi. L’inégalité reprochée était le fait que l’obligation légale de calcul de la cotisation à une association de services de santé au travail interprofessionnel (SSTI) en fonction des seuls effectifs en équivalent temps plein revient à faire supporter aux employeurs de salariés à temps complet un coût supérieur à celui supporté par les employeurs de salariés à temps partiel.

Peu importe, indique le Conseil, que soient ou non engendrées en pratique des situations inégalitaires entre les adhérents, du moment que la règle légale est bien la même pour tous. En d’autres termes, du moment que le principe d’égalité formelle est respectée… peu importe la question de l’équité.

UNE SURPRISE

Plus surprenant en revanche est le constat, dans le commentaire du Conseil constitutionnel, de la totale absence d’explicitation du rejet du moyen tiré de l’atteinte à la liberté d’association et à son corollaire, l’autonomie budgétaire des associations. L’argumentaire du Conseil se limite à l’affirmation que « les dispositions contestées […] ne méconnaissent [pas] la liberté d’association » …

Seul son statut de juridiction suprême et en dernier ressort autorise le Conseil à un tel laconisme ; il n’en demeure pas moins regrettable au regard du droit de la santé au travail, de la liberté d’association, et de la bonne administration de la justice.

UN ESPOIR

Certes la décision du Conseil constitutionnel est une décision en dernier ressort, mais elle n’est pas sans recours ; deux pistes pour un espoir de changement du statu quo :

  • d’une part, si dans l’ordre juridictionnel français le Conseil constitutionnel est la juridiction ultime, il n’en reste pas moins que dans l’Union européenne le droit ne s’arrête pas aux frontières nationales : en l’occurrence, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) peut encore être saisie d’une question préjudicielle en interprétation au regard de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
  • d’autre part, quand bien même le Conseil constitutionnel n’a pas censuré l’interprétation de la Cour de cassation, cette dernière demeure toujours libre d’opérer un revirement de sa jurisprudence (qui se limite en réalité à une seule décision) ; or un tel revirement n’est pas rare lorsqu’une nouvelle loi vient trancher un débat juridique antérieur dans un sens contraire à sa jurisprudence, comme vient de le faire la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

Source : Linkedin